TUNIS, 2 mai (Xinhua) — Devant se parachever le 3 mai courant (démarré le 29 avril), le quatrième round des négociations entre la Tunisie et l’Union européenne (UE) sur l’accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) ne cesse de susciter un mécontentement auprès des acteurs économiques, des professionnels sectoriels et une grande frange de la société civile et experts tunisiens, en matière de la rentabilité dudit accord qui, selon certains analystes tunisiens, risque de provoquer un effondrement économique.
A l’initiative du Centre d’études et de recherche économique et sociale (CERES), un établissement public tunisien de recherche à caractère administratif, une journée d’étude a été organisée à Tunis, avec la participation d’une pléiade d’experts concernés par ce dossier.
« Le gouvernement tunisien doit arrêter les négociations portant sur l’ALECA et préparer une solution alternative à cet accord proposé par la partie européenne », a déclaré aux journalistes Abdallah El Malek, spécialiste tunisien en recherche économique.
Pour lui, « l’ALECA n’est pas un problème de barrières tarifaires, mais plutôt un nouveau projet de société imposé par l’UE ».
Sur un autre plan, les appels à rompre les négociations avec l’UE ont été formulés à l’issue de la présentation des résultats de trois études conçues par l’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (ITCEQ), le cabinet de conseil irlandais Ecorys, dirigé par l’UE, ainsi qu’un bureau d’analyses autrichien.
L’une des études révèle une régression du PIB réel de 0,5% de la Tunisie s’il y a une liberté totale du commerce et de 1,5%, en cas de liberté partielle, mettant en garde contre un accroissement du chômage et une aggravation du déficit commercial.
Toutefois, les deux autres études prévoient une amélioration de la croissance du PIB à long terme (à l’horizon de 2030).
En effet, l’étude de l’ITCEQ montre que « le gain prévu en croissance économique est différencié d’une activité à l’autre, dans la mesure où il y a des activités qui vont souffrir et disparaître complètement ».
Par ailleurs, l’étude Ecorys projette, pour le long terme, une hausse de 20% des exportations et une augmentation de 19% des importations. Mais, elle fait également remaquer le risque d’un solde commercial négatif.
Spécialisée en relations économique et chercheuse dans les relations internationales, Janet Ben Abdallah, a déclaré en marge de cet évènement que « la conclusion de l’ALECA est très grave, car selon les règlements de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la signature de cet accord signifie l’engagement de l’Etat tunisien à respecter les lois y afférentes ».
« En cas de révision ou d’amendement, il sera obligatoire d’en revenir au Parlement européen (…) ce qui risque de toucher la souveraineté nationale tunisienne », a indiqué Mme Ben Abdallah.
Selon Jameleddine Aouididi, expert économique tunisien, l’étude d’évaluation de l’accord d’association entre la Tunisie et l’UE de 1995, réalisée par la Banque mondiale pour la période de 1996 à 2010, montre que la Tunisie a perdu 55% de son tissu industriel national, avec une réduction de 400 000 emplois.
« La signature de l’ALECA demeure ainsi une catastrophe pour la Tunisie », a-t-il commenté.
Selon l’universitaire tunisien Sami Aouadi, la majorité des organisations professionnelles et de la société civile de la Tunisie considèrent que « l’UE est un partenaire commercial historique et privilégié de la Tunisie » et que les échanges commerciaux actuels entre les deux parties doivent se développer davantage.
Cependant, « le gouvernement est appelé à veiller à la souveraineté décisionnelle, à agir uniquement en fonction des priorités nationales, à garantir la transparence absolue du processus des négociations devant être suivi par les partenaires sociaux et à envisager des accords économiques globaux et non pas uniquement commerciaux », a conclu l’universitaire tunisien.