ALECA : Quelle participation de la société civile dans les négociations ?

L’economiste –  11 juillet 2016
Les consultations régionales entre le gouvernement et la société civile, portant sur le processus de mise en œuvre du projet d’Accord de Libre Echange Complet et Approfondi (ALECA), démarrent mercredi 13 juillet 2016 à Zaghouan.

Ces consultations régionales, qui vont se dérouler dans huit autres régions du pays, concernent tous les gouvernorats. Certaines consultations touchant simultanément deux à quatre gouvernorats, sont organisées par l’Unité de gestion par objectif (UGPO) de l’Accord, relevant de la présidence du Gouvernement, avec l’appui du Programme d’appui à la société civile (PASC) financé par l’Union européenne.

Ces ateliers, qui doivent regrouper les représentants de la société civile au niveau régional, sont destinés à renforcer l’approche participative adoptée par le gouvernement au niveau des négociations qu’il compte mener avec l’Union européenne et dont le démarrage a eu lieu à Tunis le 18 avril dernier.

Le message principal que le gouvernement veut transmettre à travers de telles manifestations régionales est que la société civile est appelée à faire entendre sa voix et à transmettre ses points de vue sur l’ALECA directement, par le biais de tels ateliers, outre le fait que cette même société civile peut faire parvenir ses attentes au niveau de l’ALECA à travers ses représentants dans les différentes commissions sectorielles, prévues dans le cadre des négociations. Elle peut aussi coordonner ses interventions avec la commission parlementaire créée à cet effet.

Les ateliers régionaux viennent également relayer et amplifier l’atelier national organisé le 13 avril dernier à Tunis, sous la présidence de Kamel Jendoubi, ministre des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et les droits de l’homme et Ridha Ben Mosbah, conseiller auprès du chef du gouvernement chargé des Affaires économiques et d’un grand nombre de représentants de la société civile au niveau national. Ces ateliers se dérouleront sur le thème « ALECA : quelle participation de la société civile dans l’enrichissement des négociations? »

L’atelier régional se déroulera ainsi sous la présidence de Ridha Ben Mosbah.

Notons que l’aménagement des espaces de dialogue avec la société civile et de concertations avec ses représentants prévoient d’autres mécanismes, en plus de ces ateliers.

Ainsi, un site web collaboratif (www.aleca.tn) et ouvert à la société civile est déjà lancé.




ALECA entre craintes et opportunités !

Leaders – Fatma Marrakchi Charfi -Professeur d’Economie- 31 mai 2016

marakchiL’Accord de Libre Echange Complet et Approfondi (ALECA) n’est pas un accord d’association conventionnel qui consiste en un démantèlement tarifaire, comme c’était le cas pour l’accord d’association de 1995, mais plutôt un accord pour l’harmonisation de la réglementation tunisienne par rapport à la réglementation européenne. Hormis, le commerce des produits agricoles, agricoles transformés et produits de la pêche qui sera concerné par le démantèlement tarifaire et non tarifaire, les autres volets qui sont au nombre de 12 seront plus soumis à un lifting réglementaire par rapport à l’acquis communautaire qu’à une libéralisation au sens conventionnel du terme.

Les 12 domaines couverts par l’ALECA sont : le commerce des services, l’établissement et la protection des investissements, les marchés publics, les mesures sanitaires et phytosanitaires, les règlements techniques pour les produits industriels, la transparence des réglementations, la politique de concurrence, la propriété intellectuelle, les mesures anti-dumping et compensatoires, le développement durable, les aspects liés au commerce de l’énergie, les douanes et la facilitation du commerce.

De ce point de vue, l’ALECA doit être considéré comme un ensemble de réformes à mettre en place pour rejoindre ou du moins pour se rapprocher des standards de la réglementation communautaire européenne. Ainsi, c’est bien un choix sociétal que nous faisons tout en étant conscient que nous allons vers un choix d’économie de marché.

De ce fait, nous trouvons ceux qui sont pour et ceux qui sont contre ce projet (les pro-ALECA et les anti- ALECA). Si les pro-ALECA soutiennent l’idée qu’ « Il n’y a pas de compétitivité sans compétition »,et que la convergence réglementaire est censée nous mettre sur le sentier « des bonnes pratiques ou best practices », les anti-ALECA défendent la thèse que la convergence au niveau de la réglementation mettra en danger la souveraineté nationale et menacera les petites et moyennes entreprises qui constituent l’essentiel du tissu économique en Tunisie.

Comment est régi l’accord sur les services?

En acceptant ce choix économique, les parties (Tunisie et Union Européenne) arrêtent, par cet accord, les dispositions nécessaires à la libéralisation progressive et réciproque du commerce des services, et la libéralisation et la protection de l’investissement en conformité avec les règles de l’OMC (organisation mondiale du commerce). En effet, le commerce des services est régi par l’accord général sur le commerce des services (AGCS) ou (GATS : General Agreement on Trade in Services), où les services sont négociés sous forme de modes:

  • le mode 1 englobe tout ce qui est commerce des services qui se fait entre un prestataire et un consommateur sans aucune interaction physique et concerne tous les échanges de services dont les paiements se font en ligne via internet (commerce électronique qui accompagne le commerce des services).Dans ce cas, la contrainte de change sur les opérations extérieures sera un frein pour le paiement en ligne des services importés par les tunisiens qui n’ont pas la possibilité de payer par carte électronique.
  • Le mode 2 concerne l’échange des services dont la consommation nécessite le déplacement du consommateur à l’étranger tel que le tourisme, les soins médicaux etc…
  • Le mode 3 englobe la fourniture du service qui nécessite une présence commerciale du prestataire du service dans le pays du consommateur (l’établissement du prestataire du service en question) d’où la présence du volet investissement avec le volet commerce des services.
  • Le mode 4 concerne la mobilité des personnes et donc l’octroi des visas pour les prestataires de services d’une manière temporaire, tout en sachant que le volet immigration n’est pas concerné par cet accord et qu’il fait l’objet d’un accord à part, à discuter avec l’UE.
  • Les  modes se présentent comme suit:

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La règle dans ces négociations entre les deux parties qui sont la Tunisie et l’UE, est la non-discrimination qui constitue la pierre angulaire de toute négociation multilatérale. En effet, dans le cadre de l’OMC, la non-discrimination se base sur les deux principes suivants:

  • la clause du traitement national, globalement, sans vouloir être technique, interdit de favoriser les producteurs nationaux  par rapport aux entreprises étrangères.
  • la clause de la nation la plus favorisée stipule que tout avantage octroyé à un pays devrait être étendu à tous les autres pays signataires de l’accord.

Si les règles des accords prônent la réciprocité, le rapport entre les deux parties est au départ très déséquilibré puisque la valeur ajoutée des services en Tunisie représente à peine 0,2% celle de l’UE, de même que la relation des échanges est asymétrique entre les deux partenaires. En effet, les exportations tunisiennes sont dépendantes à hauteur d’environ 40% du marché européen, alors que 0,2% seulement, des exportations européennes de services sont destinées à la Tunisie. On souligne au passage que la balance des services de la Tunisie est excédentaire et particulièrement celle vis-à-vis de l’UE. En effet, en 2014, le solde de la balance des services vis-à-vis de l’UE est de + 1,7 milliard d’euros en faveur de la Tunisie. Les exportations tunisiennes de services vers l’UE est de 3,3 milliards d’euros alors que les importations sont voisines de 1,5 milliard d’euros. De même qu’il existe un déficit de diversification en Tunisie, qui pourrait être contraignant dans la perspective d’un ALECA entre les deux parties. Ces différences de grandeurs permettent-elles à l’Union Européenne de présenter une offre aussi déséquilibrée?

L’examen de l’offre européenne concernant le commerce des services et de l’investissement, telle que publiée sur le site www.aleca.tn(version 26/4/2016) nous semble « abusive », même si certains ont tendance à ne pas lui accorder beaucoup d’importance. Toutefois, elle constitue la base de négociation du moins pour la partie européenne.

Il est opportun de rappeler qu’une négociation doit être faite sur la base d’une offre et d’une demande. Par conséquent, il est important, d’un point de vue méthodologique, d’analyser l’offre européenne mais il est encore plus important d’élaborer une demande tunisienne ou une contre-offre tunisienne. Pour exprimer une demande tunisienne, qui respecte le principe de réciprocité, il est important d’établir une liste des secteurs les plus prêts à affronter la concurrence européenne et donc les plus performants et qui peuvent être compétitifs par rapport aux services européens. Ensuite, la demande doit émaner du secteur identifié et des professionnels de ce secteur quant aux conditions d’accès au marché européen, l’accès au financement, les conditions de mobilité des personnes etc…. Ainsi, afin de réussir les négociations, la démarche devrait être «offensive» en confrontant une demande qui reflète les attentes des tunisiens par rapport à une offre européenne, que l’on peut qualifier d’abusive.

Pourquoi l’offre européenne est-elle abusive?

En examinant l’offre européenne, qui concerne les services et l’investissement et qui semble tenir compte de la réciprocité et de la non-discrimination, du moins dans son apparence, on se rend compte qu’elle est totalement déséquilibrée puisque la mobilité des tunisiens est conditionnée par l’obtention d’un visa pour un séjour à l’étranger (référence au mode 4), alors que les européens peuvent entrer sur le territoire national juste avec un passeport et sans visa. Conditionner l’entrée des tunisiens même temporaire, pour offrir un service à l’obtention d’un visa est une forme de discrimination qui va à l’encontre de l’esprit de cet accord. Outre l’obtention du visa le prestataire d’un service temporaire doit avoir un permis de travail. Tout ceci engendre un coût en temps et en argent pour le tunisien qui ne sera pas supporté par l’européen.

L’examen de l’offre montre qu’elle est conditionnée et qu’elle contient des exceptions dont nous citerons quelques-unes:

1 –Concernant le volet investissement, l’offre stipule qu’aucune des parties (Tunisie/Union Européenne) ne peut :

  • pratiquer les limitations concernant le nombre d’entreprises désireuses de s’implanter. Dans ce cas, la partie tunisienne pourrait être inondée de firmes européennes dans un secteur donné. C’est les règles du marché diriez–vous ? mais en partant d’une situation asymétrique initialement, il faut savoir quels secteurs seraient prêts à prendre ce risque.
  • pratiquer les limitations concernant la valeur totale des transactions ou avoirs. Ainsi, la partie tunisienne ne peut limiter les importations de l’investisseur européen dans un secteur particulier.
  • pratiquer les limitations concernant la participation du capital étranger, exprimées sous la forme d’une limite maximale en pourcentage de la détention d’actions par des étrangers, ou concernant la valeur totale d’investissements étrangers. Dans ce cas, les européens affronteront la réglementation de change en Tunisie qui est limitative pour certaines opérations et discriminatoire vis-à-vis de l’investisseur étranger. Ainsi, on devrait se poser la question est ce qu’on est prêt à desserrer la contrainte de change en Tunisie pour certains secteurs ou certaines opérations ? ou allons-nous vers une convertibilité totale du dinar ? ceci peut être un exercice périlleux pour la Tunisie, puisque les conditions nécessaires pour une convertibilité totale du dinar ne sont pas encore réunies.
  • exiger de transférer une technologie, un procédé de production ou un autre savoir-faire exclusif à une personne physique ou morale située sur son territoire. Cette contrainte empêche la Tunisie de bénéficier d’un transfert technologique des investisseurs étrangers sur son sol.
  • exiger d’atteindre un niveau ou un pourcentage donné de contenu national dans la production européenne. Ceci permettra à l’investisseur européen de limiter son activité au seul assemblage sur le sol tunisien. Ce qui empêche la Tunisie de s’insérer dans les chaines de valeurs internationales.

2 – Pour ce qui est des services, les limitations concernent principalement la présence temporaire de personnes physiques à des fins professionnelles. Autrement dit, ce volet concerne l’octroi de visas aux tunisiens puisque la partie européenne n’est pas concernée par les restrictions sur la mobilité des personnes. L’offre propose:

  • Que l’admission et le séjour temporaire sont accordés pour une période maximale de

– 3 ans pour les dirigeants/cadres et les experts,
– 1 an pour les employés stagiaires et
– 90 jours sur toute période de 12 mois pour les visiteurs en déplacement d’affaires aux fins d’établissement.

Rien n’est dit sur les permis de travailler qui sont essentiels pour les prestataires de services tunisiens.

  • des limitations ou des réserves concernant les visiteurs en déplacement d’affaires et les personnes faisant l’objet d’un transfert temporaire intragroupe. Elles peuvent être des restrictions concernant le nombre total de personnes physiques qu’un investisseur peut employer comme visiteurs en déplacement d’affaires et personnes faisant l’objet d’un transfert temporaire intragroupe dans un secteur spécifique. Ce qui ne peut être appliqué qu’aux tunisiens évidemment. S’agit-il d’une entrée sélective de la part de l’UE ou d’une sorte de visa bis?

Malgré, toutes ces appréhensions, la libéralisation des services qui peut en réduire les prix (assurance, transport, frais bancaires, ….) ne peut qu’être bénéfique pour l’échange de produits industriels déjà libéralisés.

Cet écrit n’a pas pour objectif de dresser un tableau sombre de l’ALECA, mais surtout d’insister sur les appréhensions pour aborder d’une manière « sereine » les négociations.
Ainsi les questions qu’on doit se poser:

  • est ce qu’il y a des prestataires de services qui sont en mesure de concurrencer leurs homologues européens sur leur territoire?
  • est ce qu’il y a des prestataires de services qui devront se protéger de la concurrence européenne sur notre territoire?
  • quels sont les secteurs prêts à la concurrence et ceux qui le sont moins?

Ce sont là des questions qui doivent interpeller les négociateurs tunisiens qui doivent en tenir compte pour mener les négociations. De ce fait, il ne faut pas discuter sur l’offre européenne uniquement mais construire une demande tunisienne ou une contre-offre émanant des secteurs. Ensuite confronter la demande à l’offre pour réduire le gap entre les deux. Il s’agit en fait, d’avoir une approche offensive par rapport à ces négociations.

Au final, l’ALECA doit être considéré comme une occasion pour réformer et améliorer la performance des secteurs économiques, puisqu’il s’agit de converger vers l’acquis communautaire en termes de réglementation et se mettre sur le sentier des « best practices ». Ainsi, nous devons capitaliser sur cet accord afin d’en faire une opportunité et non une menace en élaborant une contre proposition conforme aux attentes socioéconomiques de la Tunisie post révolution.




Tenue du premier round des négociations entre la Tunisie et l'Union européenne sur L'ALECA

Le rapport conjoint du premier round des négociations sur un accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) entre la Tunisie et l’Union européenne.

Tunis, 18-21 avril 2016

Lire le rapport

 

 

 

 

 

Galerie de photos :




Démarrage des réunions de consultation entre le Gouvernement et les représentants de la société civile autour des négociations entre la Tunisie et l’UE sur l’ALECA

Tunis, Vendredi 13 avril 2016

Dans le cadre de la consécration de  l’approche participative adoptée par le gouvernement tunisien pour piloter le processus des négociations entre la Tunisie et l’UE et en préparation du 1er round prévu du 18 au 21 avril 2016 à Tunis, la présidence du gouvernement a organisé une première rencontre avec la société civile le 13 avril 2016 sous la présidence de MM. Kamel Jendoubi, Ministre des Relations avec les Instances Constitutionnelles, la Société Civile et les Droits de l’Homme et Ridha Ben Mosbah, Conseiller auprès du Chef du Gouvernement chargé des Affaires Economiques

 le compte rendu (en Format PDF)
Galerie des photos :




Débat avec la société civile en marge des travaux du 1er round des négociations entre la Tunisie et l’UE autour de l’ALECA

Le débat organisé avec des représentants de la société civile lors du démarrage du premier round des négociations entre la Tunisie et l’UE, lundi 18 Avril 2016 à Dar Edhiafa à Carthage, a été bénéfique, constructif et prometteur. Il a surtout permis aux négociateurs européens de saisir la nature des préoccupations et des attentes de la société civile vis-à-vis de l’ALECA.
Le Compte Rendu (en format PDF)




Atelier de travail avec la société civile et les acteurs économiques dans la région de Grand Tunis

Un atelier de travail avec la société civile et les acteurs économiques dans le Grand Tunis a été organisé le 13 avril 2016. Il s’est focalisé essentiellement sur la conduite des négociations entre la Tunisie et l’UE sur le  projet de l’Accord de Libre Echange Complet et Approfondi, ALECA.




Première réunion consultative avec la société civile…

La Presse de Tunisie – 14 avril 2016

lapresse… en prévision du 1er round des négociations avec l’UE qui aura lieu à Tunis du 18 au 21 avril
La première réunion consultative et participative du gouvernement avec la société civile sur le démarrage des négociations du 1er round sur l’Aleca (Accord de libre-échange complet et approfondi) s’est tenue hier, à Tunis.
Les négociations, dont le premier round aura lieu du 18 au 21 avril, sont fondées sur une nouvelle approche en matière de gouvernance et de participation, particulièrement en ce qui concerne le suivi des négociations, a affirmé le conseiller économique du chef du gouvernement Ridha Ben Mosbah.
A cet égard, une réunion participative sera organisée avant et après chaque round de négociations, outre la présence des représentants de la société civile dans les commissions consultatives chargées du suivi de l’Aleca, a-t-il indiqué, précisant qu’une série de rencontres avec la société civile dans les régions de l’intérieur est également programmée.

Un site web

Une nouvelle stratégie de communication a été en outre adoptée par le gouvernement, selon la directrice générale de l’Unité de gestion par objectifs, Fatma Oueslati. Elle porte, notamment, sur l’élaboration d’un site web portant sur les nouvelles des négociations de l’Aleca.
Ce site qui sera lancé le premier jour des négociations (18 avril) constitue une plate-forme d’échanges avec la société civile et comporte des réponses sur les principales questions posées par la société civile.
Selon le ministre chargé des Relations avec les Instances constitutionnelles, Kamel Jendoubi, le gouvernement prendra en considération les avis des experts et universitaires qui déposent des études et des propositions.
Des représentants de la société civile (universitaires, experts, structures…) ont appelé à élargir davantage la participation de la société civile aux négociations de l’Aleca.

Pas de séances d’audition

Pour l’universitaire Sami Aoudi, il faut organiser une véritable consultation avec la société civile et ne pas se contenter de séances d’audition afin de permettre à la société civile d’être une force de proposition.
Il a, également, recommandé d’examiner les conditions d’insertion de la Tunisie dans l’économie mondiale, appelant à inscrire le dossier de l’émigration et du recyclage des dettes à l’ordre du jour des négociations sur l’Aleca.
Rappelons que le 1er round des négociations sera consacré à la lecture commune et approfondie (article par article) de la proposition européenne relative à cet accord portant sur 13 chapitres dont les secteurs des services, l’agriculture, la législation, les réglementations techniques, la concurrence, les marchés publics, la subvention, le développement durable et l’investissement, a précisé Ridha Ben Mosabah, lors de la 1ère réunion consultative et participative avec la société civile sur le 1er round sur l’Aleca.
Le nouveau round permettra, également, à la partie tunisienne de demander de son vis-à-vis européen des éclaircissements, sans prendre d’engagement en vue de pouvoir étudier la proposition européenne.
Lire l’article…




Trêve d’opacité sur les négociations de l’ALECA

L’Economiste Maghrébin – Ridha Ben Slama – 12 avril 2016

Les craintes exprimées aussi bien par des organisations de la société civile que par des journalistes sont essentiellement dues à un déficit de communication, un climat d’opacité totale imposé par les gouvernements tunisiens successifs et le black-out inconcevable sur le contenu de ces négociations.

economiste-magLe Luxembourg accueillera, le 18 avril 2016, la réunion du Conseil d’association Tunisie-Union européenne et le coup d’envoi du premier cycle des négociations de l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) sera donné.

Les relation tuniso-européennes sont bien établies à travers l’histoire et la géographie, une mémoire commune et des échanges économiques et culturels soutenus. L’Europe est, et demeurera de loin notre premier partenaire sur tous les plans.

C’est une évidence qu’il convient de rappeler de temps en temps à ceux qui divagueraient en conjecturant sur d’autres alternatives absolument illusoires. Comment ne pas se rappeler ce qu’écrivait Sylvain Kahn, professeur d’histoire de l’intégration européenne à Sciences Po, dans l’euphorie du moment, il y a de cela exactement 5 ans (le journal Le Monde du 2.03.2011) :

«Pour l’Europe, comment soutenir la Tunisie ? Comment la conforter ? Comment s’engager aux côtés des Tunisiens enfin libres ? En prenant un engagement généreux, audacieux, durable et responsable : celui d’ouvrir l’UE à une adhésion de la Tunisie. Une telle politique serait la plus pertinente sur tous les plans : idéalisme, intérêt, géopolitique, réalisme».

En fait, il s’agit de consolider le socle de ces relations et de les rénover par un effort commun vers plus d’équité. Le principe d’équité est primordial pour maintenir une relation partenariale durable et bénéfique. Cela dépend de nos partenaires, mais aussi de nous-mêmes. La compétence de nos négociateurs est sollicitée aujourd’hui plus que jamais au cours de cette nouvelle étape.

L’Union européenne a déjà mis sur la table, depuis 2015, un lot de drafts se rapportant à plusieurs domaines (le commerce des services, la libéralisation et la protection de l’investissement, la coopération en matière de commerce électronique, la protection des droits de propriété intellectuelle, le commerce et développement durable, les obstacles techniques au commerce, les mesures sanitaires et phytosanitaires, les dispositions relatives au commerce de l’énergie, les mesures commerciales, les procédures douanières et la facilitation des échanges, la transparence, la concurrence et autres dispositions économiques).

Lire l’article…




Lilia Rebaï

Lilia Rebai, Directrice Bureau Tunisie Euro-Mediterranean Human Rights Network

L’Europe doit nous considérer comme un partenaire stratégique

lilia-rebai-2Le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme (Euro-Mediterranean Human Rights Network)est né dans la mouvance du processus de Barcelone. Il est composé d’environ 80 ONG sur le pourtour de la méditerranée et au sein de l’UE. En Tunisie, le réseau s’est implanté en 2011, mais il était actif bien avant cette date par son soutien à des militants du temps de l’ancien régime, et ce depuis 1996. Le bureau Tunisie du réseau est la le quatrième de part le monde, avec le siège à Copenhague, le bureau de Bruxelles et celui de Paris. Le réseau défend les droits de l’homme dans le cadre de six thématiques, à savoir le cycle des droits économiques et sociaux, les droits des migrants et personnes réfugiées, la réforme de la justice, les droits des femmes et l’égalité homme-femme, la question des libertés collectives et individuelles, la culture des droits humains et le cycle des droits économiques et sociaux.
Dans le cadre du démarrage des négociations de l’ALECA entre la Tunisie et l’UE, Mme Lilia Rebaï, directrice du Bureau Tunisie, nous définit l’implication du réseau Euro-méditerranéen des droits de l’homme dans ce dossier et son rôle dans l’instauration d’un ALECA garantissant  les droits du citoyen tunisien.  Interview.

Quel intérêt porte votre réseau pour l’ALECA ?

Notre intérêt pour l’ALECA se situe dans  le cadre d’un projet soutenu par l’Union européenne. Un projet qui consiste à un dialogue tripartite. Il s’agit d’impliquer la société civile dans le suivi des relations entre la Tunisie et l’UE. Parce que, autant nous avons aujourd’hui en 2011, une société civile très active et qui suit pratiquement tous les domaines, autant il mais reste  un domaine très sensible qui n’est pas très bien suivi par la société civile : celui des relations entre la Tunisie et l’Union Européenne. Suite à cela, il y a eu la mise en place d’un plan d’action 2013-2017, dans lequel il y a trois groupes piliers : les réformes politiques, les réformes économiques et sociales et celui du rapprochement entre les peuples, c’est là où l’on parle de démocratie et de droits civiques.
Dans le cadre de ce projet nous avons constitué des groupes de travail composés chacun de près de 27 représentants d’ONG, de l’UGTT et de l’UTICA. Plus de 80 ONG tunisiennes se sont réunies d’une manière informelle et formelle pour le traitement de différentes thématiques. A la fin de ces rencontres, ces ONG se sont mises d’accord sur certaines recommandations communes.

Il faudrait que ces recommandations soient prises en considération par les parties décisionnaires ?

A l’issue de chaque réunion, nous transmettons systématiquement ces recommandations à la délégation de l’UE et également aux membres du gouvernement et de l’administration tunisienne. Nous avons beaucoup travaillé avec le secrétariat d’Etat pour la femme, actuellement devenu ministère de la femme, avec les ministères des affaires étrangères, de la justice et celui du commerce et de l’artisanat. A coté de cela, nous avons effectué des missions de plaidoyer à l’étranger, notamment au Parlement européen à Bruxelles, la commission de l’UE, le service européen des services extérieurs. Nous nous sommes également déplacés en France et en Italie. Ces pays sont les principaux partenaires de la Tunisie, d’où l’intérêt. Il y a eu une grande médiatisation de notre conférence de presse organisée en Italie. Nous avons appelé à la suppression des visas pour les Tunisiens, une revendication qui a reçu beaucoup d’intérêt. Au début, le dialogue était difficile, il y a eu les vieilles habitudes et les méfiances des uns et des autres, notamment la méfiance à l’égard de l’UE. Mais, peu à peu nous avons commencé à dialoguer et c’était une belle expérience.
Suite à ce succès, nous avons décidé de continuer le projet. Ainsi, nous avons lancé officiellement la deuxième phase du projet qui durera trois ans. Dans cette phase, nous allons impliquer l’ARP et les ONG des régions de l’intérieur.
L’ALECA, c’est la pièce maîtresse de notre projet. Nous avons commencé à travailler sur cette question en décembre 2014. La deuxième session du groupe, droits économiques et sociaux a débattu des défis que pourraient représenter cet accord pour le pays. Nous avons organisé également une session spéciale avec une délégation européenne sur ce même sujet. Nous avons ainsi émis un communiqué signé par plus d’une vingtaine d’associations afin d’exprimer nos réserves par rapport à cet accord qui pourrait représenter un danger pour la Tunisie.

Sur quel diagnostic, avez-vous émis ces réserves ? Etes-vous revenu dans votre débat sur l’Accord d’Association signé en 1995 et qui concernait le secteur industriel  par exemple ?

Effectivement, la première revendication de la société civile c’est justement, une étude indépendante et une évaluation d’impact de cet accord signé en 1995. Sachant, qu’objectivement parlant, à cause de cette politique économique mise en œuvre en 1995, nous avons un des taux de chômage les plus élevés depuis 2011. Un taux de chômage hétérogène, en effet dans certaines régions le chômage peut atteindre les 45%, les femmes sont plus touchées que les hommes et la grande partie des chômeurs sont des diplômés du supérieur. Il y a cette question de déséquilibre régional également. Donc, on ne peut pas ne pas se demander s’il y a un lien de cause à effet entre la politique économique adoptée en 1995 et le futur ALECA et ce que nous vivons aujourd’hui.
Si la politique qui a été menée en 1995 a engendré une révolution, pourquoi alors continuer sur la même lancée ? De l’autre coté, ils nous disent  que c’est la corruption, la mauvaise gouvernance de l’administration qui sont  la cause de ce que nous vivons, mais encore faut-il le démontrer. En termes de chiffres, certains diront que 30% des PME ont disparu suite au mouvement de libéralisation depuis la signature de l’accord de 1995. Cela reste à vérifier.
Aujourd’hui, on ne peut pas être pour ou contre l’ALECA, cela dépendra de ce qui sera mis dans cet accord. C’est, aussi, comment nous allons négocier cet ALECA ?  Une chose est sûre : l’UE est notre partenaire stratégique, nous devons donc rester ouverts à l’Europe.  C’est un constat au sein de notre  groupe. Personne n’a jamais remis en question cet ancrage ou cette idée d’avoir des affaires de partenariat avec l’Europe.
Aujourd’hui, la Tunisie est un petit pays. Nous sommes encore peut être la seule flamme dans ce qu’on a  appelé le « printemps arabe ». L’Union Européenne nous a promis beaucoup de merveilles et ce depuis Deauville en 2011, mais, cinq ans après, nous avons rien reçu. Ce que nous pouvons dire à l’U.E est de faire un réel effort pour soutenir ce pays. Ne pas nous traiter uniquement en tant que partenaire économique mais en vrai partenaire stratégique. Nous aider à construire la Tunisie nouvelle.

Quelles sont vos inquiétudes ?

Nous avons des inquiétudes notamment pour deux secteurs stratégiques pour notre pays, celui des services et celui de l’agriculture. Les barrières non tarifaires, les rapprochements réglementaires nous font également peur. Il ya beaucoup d’enjeux derrière. Revenons aux secteurs des services et de l’agriculture. Sur ce dernier on ne peut pas parler de libéralisation agricole pour une question très simple. Quelle chance aurait un petit agriculteur  du nord-ouest tunisien avec sa façon archaïque de labourer sa terre avec des et les problèmes climatiques, de faire face à une multinationale européenne, sachant qu’il  y a la politique européenne commune qui subventionne les agriculteurs ? Réellement, en l’Etat actuel des choses, une libéralisation est impossible.
Sur le secteur des services, la société civile se pose la question sur la liberté de circulation. Il est inconcevable de parler de libérer les capitaux, les biens sans intégrer la liberté de circulation des personnes, ces personnes qui vont produire ces biens et ces capitaux. Dans le secteur des services, la concurrence sera également inéquitable. Prenant l’exemple d’un jeune diplômé tunisien et d’un jeune diplômé européen. Quel est celui qui aura plus de chance d’entreprendre un projet dans le territoire de l’autre. L’européen aura la chance de visiter la Tunisie, faire du tourisme, étudier le marché tunisien et éventuellement décider de créer sa propre PME. Cela ne sera pas possible pour le jeune diplômé tunisien car il sera confronté au problème d’obtention de visas. Ne parlons pas de s’implanter sur le marché européen ! Avec la montée de la droite et du terrorisme en Europe, la question de la circulation des personnes est de plus en plus délicate.

Dans l’Accord d’Association de 1995, il était question de mise à niveau des PME tunisiennes et l’UE avait financé ce programme de mise à niveau. Si l’ALECA, pour le secteur agricole, faisait de même et mettait en place un programme de mise à niveau de l’agriculture tunisienne, également financé par l’UE, cela favoriserait-il une libéralisation équitable ?

Personne aujourd’hui ne peut donner une réponse exacte à cette question. Ce qu’il faudrait faire, c’est peut être étudier au cas par cas et produit par produit. La Tunisie jouit de compétences universitaires professionnelles et devrait profiter de ces compétences pour faire des études d’évaluation et d’impact d’un éventuel ALECA. Il ne faut pas également oublier l’enjeu de la sécurité alimentaire du pays. Sait-on quelle est la vision et la politique de la Tunisie sur ce secteur et les différents secteurs sujets de négociations? Quelle est la politique du pays par rapport à la caisse de compensation ? Par rapport à la libéralisation de l’économie nationale ? Et cela, ce n’est pas  de la responsabilité de l’U.E, mais de celle de notre gouvernement. Cette implication du gouvernement, nous ne la voyons pas. Il faut savoir que la réponse à cette question est purement politique, il faudrait qu’il y ait une vision politique pour savoir exactement où l’on va.

Pour négocier au mieux un ALECA avantageux pour notre pays, faut-il choisir de bons négociateurs et qui maitrisent leurs dossiers?

N’oublions pas : la Tunisie négociera avec  l’U.E qui représente 28 pays. La tâche n’est guère facile. La Tunisie représente moins de 1% des échanges commerciaux de l’U.E. Quelque part, la partie est déséquilibrée, asymétrique. En même temps, la Tunisie d’aujourd’hui a réellement besoin d’un réel soutien. Cela étant dit, nous avons été reçus la semaine dernière par le Conseiller économique du Chef du gouvernement et négociateur en chef de l’ALECA, M. Ridha ben Mesbah et par Mme Fatma Oueslati. Personnellement, cet entretien m’a tranquillisée. J’ai senti que j’étais en face de personnes avisées, conscientes des enjeux de ce projet d’accord. Ils nous ont assuré qu’ils allaient prendre leur temps, que des études vont être lancées prenant en considération tous les aspects de la problématique.
Maintenant, c’est à l’UE de  soutenir notre transition économique et démocratique, la condition sine qua non pour garantir un avenir pour nos enfants. La Tunisie est l’un des plus beaux pays au monde et doit continuer de l’être.

Allez-vous être partie prenante des négociations ? Comment allez-vous suivre ces négociations ?

Il est question que la société civile suive les négociations de l’ALECA. Le gouvernement nous a déjà invités à débattre du sujet avant la tenue du premier round le 18 avril. Une première en Tunisie et ceci grâce au dialogue tripartite que nous avons instauré.
Ensuite, il est question, et cela sera annoncé par le gouvernement, d’inclure la société civile dans un comité consultatif sur l’ALECA. Maintenant reste à mettre en place un mécanisme pour que notre participation ne soit pas uniquement formelle. Ce que nous demandons, nous société civile, c’est d’avoir l’information d’une manière transparente et à temps, pour revenir avec des propositions concrètes. La société civile était un acteur majeur dans le dialogue national ce qui a valu à la Tunisie le prix Nobel de la paix, et la société civile va continuer à jouer son rôle et n’apportera que du positif à ces négociations.




Pour un nouveau partenariat entre la Tunisie et l’Union européenne

Kapitalis –  Ahmed Ben Mustapha – 16 mars 2016

Il faut que l’accord de libre échange complet et approfondi (Aleca) avec l’Union européenne soit adapté aux besoins spécifiques de la Tunisie post révolution.

kapitalisDans une série de précédents articles consacrés aux relations entre la Tunisie et l’Union européenne (UE), j’avais déploré le caractère totalement déséquilibré et inéquitable des accords de partenariat conclus depuis l’indépendance ou envisagés après la révolution dont l’accord de libre échange complet et approfondi (Aleca) en cours de négociation. Et j’avais alors préconisé la renégociation du plan d’action en vue d’aboutir à l’élaboration en commun des termes d’un nouveau et véritable partenariat mutuellement bénéfique et profitable aux deux parties.

En fait, mon engagement sur ce dossier rejoint celui d’un nombre croissant d’activistes indépendants de la société civile récemment confortés par l’implication d’importantes organisations de la société civile tunisiennes et méditerranéennes; ce qui confère à ce mouvement d’opinion une importance et une influence accrues auprès de l’opinion publique et des décideurs des deux cotés de la méditerranée.

A ce propos il convient de relever que la Tunisie et l’UE ont convenu de tenir la réunion du conseil d’association tuniso-européen en avril 2016 dans un contexte marqué par une forte mobilisation de la société civile tunisienne sur les problématiques liées au partenariat avec l’UE dans la perspective d’une prochaine reprise des négociations entamées en octobre 2015 sur l’Aleca. Cet accord – fortement controversé en Tunisie – suscite les réserves et les craintes de nombreux activistes et spécialistes issus des sphères politiques, économiques, diplomatiques et universitaires ainsi que des milieux d’affaires, associatifs et syndicaux.

La société civile pour la refonte du partenariat avec l’UE

A noter que les formes d’expression de ces préoccupations – initialement limitées à quelques articles de presse – prennent de plus en plus la forme d’un courant d’opinion et d’un mouvement organisé impliquant pour la première fois d’importants acteurs de la société civile tunisienne et européenne représentatifs des deux rives de la Méditerranée.

L’objet de cet article est de focaliser l’attention sur ce mouvement d’opinion qui revêt à mon sens une importance capitale en raison de ses répercussions possibles sur la reformulation du cadre stratégique des négociations et des futures relations de la Tunisie avec l’UE.

En effet le gouvernement tunisien devrait tirer profit de cette mobilisation de la société civile pour demander le report des négociations et ouvrir une consultation nationale sur ce sujet dont les enjeux touchent à l’avenir de la Tunisie.

D’ailleurs, il est inconcevable de continuer à gérer ce dossier de nature stratégique comme s’il s’agissait d’un simple accord commercial; c’est pourquoi il conviendrait de le confier à la diplomatie tunisienne avec pour mandat la renégociation du plan d’action et la redéfinition de son contenu dans le but d’aboutir à un vrai partenariat, bilatéral et régional, d’essence politique, sécuritaire, économique et réellement profitable aux deux parties et aux deux rives.

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