Radhi Meddeb

Radhi Meddeb, PDG du Groupe Comete Engineering

Faisons de l’ALECA un passeport pour la modernité !

  • Donnons un contenu effectif au statut de partenaire privilégié
  • Exigeons la levée de toutes les barrières non tarifaires
  • La Tunisie a besoin, sur les 10 prochaines années, de créer 1.5 million d’emplois
  • C’est la seule voie pour immuniser et prémunir nos jeunes contre l’extrémisme et le désespoir.

radhi-meddeb-2Pour une voix d’expert autorisée sur nos rapports avec l’Union européenne, c’en est une !  Il faut simplement rappeler que c’est lui qui avait dirigé l’étude prospective sur l’impact de l’Accord de Libre Échange de 1995.
Radhi MEDDEB, que l’on ne présente plus, est diplômé de l’École Polytechnique de Paris et de l’École Nationale Supérieure des Mines de Paris. Il est, depuis 1987, fondateur et PDG du groupe d’études COMETE Engineering. Il est également fondateur, après la révolution de janvier 2011, de ADS (Action et Développement Solidaire), une ONG qui a publié en octobre 2011, un ouvrage qui traduit la vocation inclusive du Think Tank : « Ensemble, Construisons la Tunisie de demain, Modernité, Solidarité et Performance ».
Pour lui, l’ALECA représente une « immense potentiel non exploité. Et il nous appartient, à nous Tunisiens, de conquérir ces marchés européens dont nous ne prenons que des bribes, d’en connaître les circuits et d’en identifier les hommes et les femmes qui font l’économie ».
Dans cette tribune d’expert, il invite la Tunisie à la modernité !

La Tunisie entame enfin avec l’Union Européenne les négociations de l’ALECA. Cela devrait donner un contenu effectif au statut de partenaire privilégié, annoncé depuis novembre 2012. Pendant longtemps, avant la Révolution, la Tunisie avait réclamé ce statut et avait même pris ombrage qu’il ait été accordé à d’autres pays de la région avant elle. Or, depuis trois ans et demi, peu de progrès ont été accomplis en la matière. Le dossier soulève une polémique et diverses parties réclament une évaluation des accords de 1995 avant d’avancer.
La Tunisie est engagée depuis longtemps dans un processus d’insertion dans des espaces économiques plus larges. L’Europe est le plus proche de ces espaces. Elle constitue pour nous une ouverture naturelle inéluctable.
L’Europe, malgré l’état atone de son économie, reste le premier marché à l’échelle mondiale, en termes de taille et de pouvoir d’achat. Pourtant, depuis 1995, nous sommes restés dans une démarche traditionnelle et passive. Nous continuons à exporter les mêmes produits vers les mêmes pays en nombre limité. Les rares diversifications ont été le fait de nos partenaires européens. Nous n’avons pas exploité l’immense potentiel de ce marché à notre portée.

radhi-meddeb-3L’ALECA, un immense potentiel à exploiter

L’exigence d’une évaluation rétrospective des accords de 1995 est légitime. En faire un préalable pour avancer serait une erreur préjudiciable à l’économie aujourd’hui.

Prenons ce qui nous est proposé, mais avançons avec discernement. Associons toutes les parties prenantes à ces négociations et évaluations. Mettons de notre côté tous les atouts pour une négociation éclairée.
L’Union Européenne nous invite à décliner nos propositions et à donner du contenu à l’ALECA. Prenons-la au mot et exigeons la levée de toutes les barrières non tarifaires, y compris la libre circulation des professionnels et des étudiants, mais aussi les certifications qui ne sont là que pour faire barrage aux produits et services non communautaires, une véritable mise à niveau de notre agriculture en termes de vulgarisation, de formation et d’acclimatation aux normes européennes. Exigeons un accès total aux fonds structurels pour l’aménagement du territoire, la recherche scientifique et l’innovation et enfin l’accès de nos étudiants au programme d’échange Erasmus. Faisons de l’ALECA, notre passeport vers la modernité et notre allié pour bousculer les multiples rentes de situation qui gangrènent notre économie.

Et, surtout, soyons solidaires, lucides et courageux. Les évolutions géopolitiques font planer, sur l’ensemble de la région, une menace globale de violence et d’obscurantisme. Le libre échange n’est plus ni suffisant ni adapté. Il faut passer à une démarche globale et structurante, mettre en place au profit de la Tunisie, seul espoir régional, un plan Marshall dont on a tant parlé et pour lequel on n’a rien fait.

La Tunisie a besoin, sur les 10 prochaines années, de créer 1.5 million d’emplois et de mettre ses infrastructures au niveau européen.
C’est la seule voie pour immuniser la Tunisie contre l’extrémisme et la violence et prémunir ses jeunes contre le désespoir.
Seule, la Tunisie n’y arrivera pas. Avec l’Europe, cela est possible, à condition que la volonté politique soit là. Scellons, avec courage, notre destin.