Débat avec la société civile en marge des travaux du 1er round des négociations entre la Tunisie et l’UE autour de l’ALECA

Le débat organisé avec des représentants de la société civile lors du démarrage du premier round des négociations entre la Tunisie et l’UE, lundi 18 Avril 2016 à Dar Edhiafa à Carthage, a été bénéfique, constructif et prometteur. Il a surtout permis aux négociateurs européens de saisir la nature des préoccupations et des attentes de la société civile vis-à-vis de l’ALECA.
Le Compte Rendu (en format PDF)




Atelier de travail avec la société civile et les acteurs économiques dans la région de Grand Tunis

Un atelier de travail avec la société civile et les acteurs économiques dans le Grand Tunis a été organisé le 13 avril 2016. Il s’est focalisé essentiellement sur la conduite des négociations entre la Tunisie et l’UE sur le  projet de l’Accord de Libre Echange Complet et Approfondi, ALECA.




Première réunion consultative avec la société civile…

La Presse de Tunisie – 14 avril 2016

lapresse… en prévision du 1er round des négociations avec l’UE qui aura lieu à Tunis du 18 au 21 avril
La première réunion consultative et participative du gouvernement avec la société civile sur le démarrage des négociations du 1er round sur l’Aleca (Accord de libre-échange complet et approfondi) s’est tenue hier, à Tunis.
Les négociations, dont le premier round aura lieu du 18 au 21 avril, sont fondées sur une nouvelle approche en matière de gouvernance et de participation, particulièrement en ce qui concerne le suivi des négociations, a affirmé le conseiller économique du chef du gouvernement Ridha Ben Mosbah.
A cet égard, une réunion participative sera organisée avant et après chaque round de négociations, outre la présence des représentants de la société civile dans les commissions consultatives chargées du suivi de l’Aleca, a-t-il indiqué, précisant qu’une série de rencontres avec la société civile dans les régions de l’intérieur est également programmée.

Un site web

Une nouvelle stratégie de communication a été en outre adoptée par le gouvernement, selon la directrice générale de l’Unité de gestion par objectifs, Fatma Oueslati. Elle porte, notamment, sur l’élaboration d’un site web portant sur les nouvelles des négociations de l’Aleca.
Ce site qui sera lancé le premier jour des négociations (18 avril) constitue une plate-forme d’échanges avec la société civile et comporte des réponses sur les principales questions posées par la société civile.
Selon le ministre chargé des Relations avec les Instances constitutionnelles, Kamel Jendoubi, le gouvernement prendra en considération les avis des experts et universitaires qui déposent des études et des propositions.
Des représentants de la société civile (universitaires, experts, structures…) ont appelé à élargir davantage la participation de la société civile aux négociations de l’Aleca.

Pas de séances d’audition

Pour l’universitaire Sami Aoudi, il faut organiser une véritable consultation avec la société civile et ne pas se contenter de séances d’audition afin de permettre à la société civile d’être une force de proposition.
Il a, également, recommandé d’examiner les conditions d’insertion de la Tunisie dans l’économie mondiale, appelant à inscrire le dossier de l’émigration et du recyclage des dettes à l’ordre du jour des négociations sur l’Aleca.
Rappelons que le 1er round des négociations sera consacré à la lecture commune et approfondie (article par article) de la proposition européenne relative à cet accord portant sur 13 chapitres dont les secteurs des services, l’agriculture, la législation, les réglementations techniques, la concurrence, les marchés publics, la subvention, le développement durable et l’investissement, a précisé Ridha Ben Mosabah, lors de la 1ère réunion consultative et participative avec la société civile sur le 1er round sur l’Aleca.
Le nouveau round permettra, également, à la partie tunisienne de demander de son vis-à-vis européen des éclaircissements, sans prendre d’engagement en vue de pouvoir étudier la proposition européenne.
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Trêve d’opacité sur les négociations de l’ALECA

L’Economiste Maghrébin – Ridha Ben Slama – 12 avril 2016

Les craintes exprimées aussi bien par des organisations de la société civile que par des journalistes sont essentiellement dues à un déficit de communication, un climat d’opacité totale imposé par les gouvernements tunisiens successifs et le black-out inconcevable sur le contenu de ces négociations.

economiste-magLe Luxembourg accueillera, le 18 avril 2016, la réunion du Conseil d’association Tunisie-Union européenne et le coup d’envoi du premier cycle des négociations de l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) sera donné.

Les relation tuniso-européennes sont bien établies à travers l’histoire et la géographie, une mémoire commune et des échanges économiques et culturels soutenus. L’Europe est, et demeurera de loin notre premier partenaire sur tous les plans.

C’est une évidence qu’il convient de rappeler de temps en temps à ceux qui divagueraient en conjecturant sur d’autres alternatives absolument illusoires. Comment ne pas se rappeler ce qu’écrivait Sylvain Kahn, professeur d’histoire de l’intégration européenne à Sciences Po, dans l’euphorie du moment, il y a de cela exactement 5 ans (le journal Le Monde du 2.03.2011) :

«Pour l’Europe, comment soutenir la Tunisie ? Comment la conforter ? Comment s’engager aux côtés des Tunisiens enfin libres ? En prenant un engagement généreux, audacieux, durable et responsable : celui d’ouvrir l’UE à une adhésion de la Tunisie. Une telle politique serait la plus pertinente sur tous les plans : idéalisme, intérêt, géopolitique, réalisme».

En fait, il s’agit de consolider le socle de ces relations et de les rénover par un effort commun vers plus d’équité. Le principe d’équité est primordial pour maintenir une relation partenariale durable et bénéfique. Cela dépend de nos partenaires, mais aussi de nous-mêmes. La compétence de nos négociateurs est sollicitée aujourd’hui plus que jamais au cours de cette nouvelle étape.

L’Union européenne a déjà mis sur la table, depuis 2015, un lot de drafts se rapportant à plusieurs domaines (le commerce des services, la libéralisation et la protection de l’investissement, la coopération en matière de commerce électronique, la protection des droits de propriété intellectuelle, le commerce et développement durable, les obstacles techniques au commerce, les mesures sanitaires et phytosanitaires, les dispositions relatives au commerce de l’énergie, les mesures commerciales, les procédures douanières et la facilitation des échanges, la transparence, la concurrence et autres dispositions économiques).

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Lilia Rebaï

Lilia Rebai, Directrice Bureau Tunisie Euro-Mediterranean Human Rights Network

L’Europe doit nous considérer comme un partenaire stratégique

lilia-rebai-2Le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme (Euro-Mediterranean Human Rights Network)est né dans la mouvance du processus de Barcelone. Il est composé d’environ 80 ONG sur le pourtour de la méditerranée et au sein de l’UE. En Tunisie, le réseau s’est implanté en 2011, mais il était actif bien avant cette date par son soutien à des militants du temps de l’ancien régime, et ce depuis 1996. Le bureau Tunisie du réseau est la le quatrième de part le monde, avec le siège à Copenhague, le bureau de Bruxelles et celui de Paris. Le réseau défend les droits de l’homme dans le cadre de six thématiques, à savoir le cycle des droits économiques et sociaux, les droits des migrants et personnes réfugiées, la réforme de la justice, les droits des femmes et l’égalité homme-femme, la question des libertés collectives et individuelles, la culture des droits humains et le cycle des droits économiques et sociaux.
Dans le cadre du démarrage des négociations de l’ALECA entre la Tunisie et l’UE, Mme Lilia Rebaï, directrice du Bureau Tunisie, nous définit l’implication du réseau Euro-méditerranéen des droits de l’homme dans ce dossier et son rôle dans l’instauration d’un ALECA garantissant  les droits du citoyen tunisien.  Interview.

Quel intérêt porte votre réseau pour l’ALECA ?

Notre intérêt pour l’ALECA se situe dans  le cadre d’un projet soutenu par l’Union européenne. Un projet qui consiste à un dialogue tripartite. Il s’agit d’impliquer la société civile dans le suivi des relations entre la Tunisie et l’UE. Parce que, autant nous avons aujourd’hui en 2011, une société civile très active et qui suit pratiquement tous les domaines, autant il mais reste  un domaine très sensible qui n’est pas très bien suivi par la société civile : celui des relations entre la Tunisie et l’Union Européenne. Suite à cela, il y a eu la mise en place d’un plan d’action 2013-2017, dans lequel il y a trois groupes piliers : les réformes politiques, les réformes économiques et sociales et celui du rapprochement entre les peuples, c’est là où l’on parle de démocratie et de droits civiques.
Dans le cadre de ce projet nous avons constitué des groupes de travail composés chacun de près de 27 représentants d’ONG, de l’UGTT et de l’UTICA. Plus de 80 ONG tunisiennes se sont réunies d’une manière informelle et formelle pour le traitement de différentes thématiques. A la fin de ces rencontres, ces ONG se sont mises d’accord sur certaines recommandations communes.

Il faudrait que ces recommandations soient prises en considération par les parties décisionnaires ?

A l’issue de chaque réunion, nous transmettons systématiquement ces recommandations à la délégation de l’UE et également aux membres du gouvernement et de l’administration tunisienne. Nous avons beaucoup travaillé avec le secrétariat d’Etat pour la femme, actuellement devenu ministère de la femme, avec les ministères des affaires étrangères, de la justice et celui du commerce et de l’artisanat. A coté de cela, nous avons effectué des missions de plaidoyer à l’étranger, notamment au Parlement européen à Bruxelles, la commission de l’UE, le service européen des services extérieurs. Nous nous sommes également déplacés en France et en Italie. Ces pays sont les principaux partenaires de la Tunisie, d’où l’intérêt. Il y a eu une grande médiatisation de notre conférence de presse organisée en Italie. Nous avons appelé à la suppression des visas pour les Tunisiens, une revendication qui a reçu beaucoup d’intérêt. Au début, le dialogue était difficile, il y a eu les vieilles habitudes et les méfiances des uns et des autres, notamment la méfiance à l’égard de l’UE. Mais, peu à peu nous avons commencé à dialoguer et c’était une belle expérience.
Suite à ce succès, nous avons décidé de continuer le projet. Ainsi, nous avons lancé officiellement la deuxième phase du projet qui durera trois ans. Dans cette phase, nous allons impliquer l’ARP et les ONG des régions de l’intérieur.
L’ALECA, c’est la pièce maîtresse de notre projet. Nous avons commencé à travailler sur cette question en décembre 2014. La deuxième session du groupe, droits économiques et sociaux a débattu des défis que pourraient représenter cet accord pour le pays. Nous avons organisé également une session spéciale avec une délégation européenne sur ce même sujet. Nous avons ainsi émis un communiqué signé par plus d’une vingtaine d’associations afin d’exprimer nos réserves par rapport à cet accord qui pourrait représenter un danger pour la Tunisie.

Sur quel diagnostic, avez-vous émis ces réserves ? Etes-vous revenu dans votre débat sur l’Accord d’Association signé en 1995 et qui concernait le secteur industriel  par exemple ?

Effectivement, la première revendication de la société civile c’est justement, une étude indépendante et une évaluation d’impact de cet accord signé en 1995. Sachant, qu’objectivement parlant, à cause de cette politique économique mise en œuvre en 1995, nous avons un des taux de chômage les plus élevés depuis 2011. Un taux de chômage hétérogène, en effet dans certaines régions le chômage peut atteindre les 45%, les femmes sont plus touchées que les hommes et la grande partie des chômeurs sont des diplômés du supérieur. Il y a cette question de déséquilibre régional également. Donc, on ne peut pas ne pas se demander s’il y a un lien de cause à effet entre la politique économique adoptée en 1995 et le futur ALECA et ce que nous vivons aujourd’hui.
Si la politique qui a été menée en 1995 a engendré une révolution, pourquoi alors continuer sur la même lancée ? De l’autre coté, ils nous disent  que c’est la corruption, la mauvaise gouvernance de l’administration qui sont  la cause de ce que nous vivons, mais encore faut-il le démontrer. En termes de chiffres, certains diront que 30% des PME ont disparu suite au mouvement de libéralisation depuis la signature de l’accord de 1995. Cela reste à vérifier.
Aujourd’hui, on ne peut pas être pour ou contre l’ALECA, cela dépendra de ce qui sera mis dans cet accord. C’est, aussi, comment nous allons négocier cet ALECA ?  Une chose est sûre : l’UE est notre partenaire stratégique, nous devons donc rester ouverts à l’Europe.  C’est un constat au sein de notre  groupe. Personne n’a jamais remis en question cet ancrage ou cette idée d’avoir des affaires de partenariat avec l’Europe.
Aujourd’hui, la Tunisie est un petit pays. Nous sommes encore peut être la seule flamme dans ce qu’on a  appelé le « printemps arabe ». L’Union Européenne nous a promis beaucoup de merveilles et ce depuis Deauville en 2011, mais, cinq ans après, nous avons rien reçu. Ce que nous pouvons dire à l’U.E est de faire un réel effort pour soutenir ce pays. Ne pas nous traiter uniquement en tant que partenaire économique mais en vrai partenaire stratégique. Nous aider à construire la Tunisie nouvelle.

Quelles sont vos inquiétudes ?

Nous avons des inquiétudes notamment pour deux secteurs stratégiques pour notre pays, celui des services et celui de l’agriculture. Les barrières non tarifaires, les rapprochements réglementaires nous font également peur. Il ya beaucoup d’enjeux derrière. Revenons aux secteurs des services et de l’agriculture. Sur ce dernier on ne peut pas parler de libéralisation agricole pour une question très simple. Quelle chance aurait un petit agriculteur  du nord-ouest tunisien avec sa façon archaïque de labourer sa terre avec des et les problèmes climatiques, de faire face à une multinationale européenne, sachant qu’il  y a la politique européenne commune qui subventionne les agriculteurs ? Réellement, en l’Etat actuel des choses, une libéralisation est impossible.
Sur le secteur des services, la société civile se pose la question sur la liberté de circulation. Il est inconcevable de parler de libérer les capitaux, les biens sans intégrer la liberté de circulation des personnes, ces personnes qui vont produire ces biens et ces capitaux. Dans le secteur des services, la concurrence sera également inéquitable. Prenant l’exemple d’un jeune diplômé tunisien et d’un jeune diplômé européen. Quel est celui qui aura plus de chance d’entreprendre un projet dans le territoire de l’autre. L’européen aura la chance de visiter la Tunisie, faire du tourisme, étudier le marché tunisien et éventuellement décider de créer sa propre PME. Cela ne sera pas possible pour le jeune diplômé tunisien car il sera confronté au problème d’obtention de visas. Ne parlons pas de s’implanter sur le marché européen ! Avec la montée de la droite et du terrorisme en Europe, la question de la circulation des personnes est de plus en plus délicate.

Dans l’Accord d’Association de 1995, il était question de mise à niveau des PME tunisiennes et l’UE avait financé ce programme de mise à niveau. Si l’ALECA, pour le secteur agricole, faisait de même et mettait en place un programme de mise à niveau de l’agriculture tunisienne, également financé par l’UE, cela favoriserait-il une libéralisation équitable ?

Personne aujourd’hui ne peut donner une réponse exacte à cette question. Ce qu’il faudrait faire, c’est peut être étudier au cas par cas et produit par produit. La Tunisie jouit de compétences universitaires professionnelles et devrait profiter de ces compétences pour faire des études d’évaluation et d’impact d’un éventuel ALECA. Il ne faut pas également oublier l’enjeu de la sécurité alimentaire du pays. Sait-on quelle est la vision et la politique de la Tunisie sur ce secteur et les différents secteurs sujets de négociations? Quelle est la politique du pays par rapport à la caisse de compensation ? Par rapport à la libéralisation de l’économie nationale ? Et cela, ce n’est pas  de la responsabilité de l’U.E, mais de celle de notre gouvernement. Cette implication du gouvernement, nous ne la voyons pas. Il faut savoir que la réponse à cette question est purement politique, il faudrait qu’il y ait une vision politique pour savoir exactement où l’on va.

Pour négocier au mieux un ALECA avantageux pour notre pays, faut-il choisir de bons négociateurs et qui maitrisent leurs dossiers?

N’oublions pas : la Tunisie négociera avec  l’U.E qui représente 28 pays. La tâche n’est guère facile. La Tunisie représente moins de 1% des échanges commerciaux de l’U.E. Quelque part, la partie est déséquilibrée, asymétrique. En même temps, la Tunisie d’aujourd’hui a réellement besoin d’un réel soutien. Cela étant dit, nous avons été reçus la semaine dernière par le Conseiller économique du Chef du gouvernement et négociateur en chef de l’ALECA, M. Ridha ben Mesbah et par Mme Fatma Oueslati. Personnellement, cet entretien m’a tranquillisée. J’ai senti que j’étais en face de personnes avisées, conscientes des enjeux de ce projet d’accord. Ils nous ont assuré qu’ils allaient prendre leur temps, que des études vont être lancées prenant en considération tous les aspects de la problématique.
Maintenant, c’est à l’UE de  soutenir notre transition économique et démocratique, la condition sine qua non pour garantir un avenir pour nos enfants. La Tunisie est l’un des plus beaux pays au monde et doit continuer de l’être.

Allez-vous être partie prenante des négociations ? Comment allez-vous suivre ces négociations ?

Il est question que la société civile suive les négociations de l’ALECA. Le gouvernement nous a déjà invités à débattre du sujet avant la tenue du premier round le 18 avril. Une première en Tunisie et ceci grâce au dialogue tripartite que nous avons instauré.
Ensuite, il est question, et cela sera annoncé par le gouvernement, d’inclure la société civile dans un comité consultatif sur l’ALECA. Maintenant reste à mettre en place un mécanisme pour que notre participation ne soit pas uniquement formelle. Ce que nous demandons, nous société civile, c’est d’avoir l’information d’une manière transparente et à temps, pour revenir avec des propositions concrètes. La société civile était un acteur majeur dans le dialogue national ce qui a valu à la Tunisie le prix Nobel de la paix, et la société civile va continuer à jouer son rôle et n’apportera que du positif à ces négociations.




Pour un nouveau partenariat entre la Tunisie et l’Union européenne

Kapitalis –  Ahmed Ben Mustapha – 16 mars 2016

Il faut que l’accord de libre échange complet et approfondi (Aleca) avec l’Union européenne soit adapté aux besoins spécifiques de la Tunisie post révolution.

kapitalisDans une série de précédents articles consacrés aux relations entre la Tunisie et l’Union européenne (UE), j’avais déploré le caractère totalement déséquilibré et inéquitable des accords de partenariat conclus depuis l’indépendance ou envisagés après la révolution dont l’accord de libre échange complet et approfondi (Aleca) en cours de négociation. Et j’avais alors préconisé la renégociation du plan d’action en vue d’aboutir à l’élaboration en commun des termes d’un nouveau et véritable partenariat mutuellement bénéfique et profitable aux deux parties.

En fait, mon engagement sur ce dossier rejoint celui d’un nombre croissant d’activistes indépendants de la société civile récemment confortés par l’implication d’importantes organisations de la société civile tunisiennes et méditerranéennes; ce qui confère à ce mouvement d’opinion une importance et une influence accrues auprès de l’opinion publique et des décideurs des deux cotés de la méditerranée.

A ce propos il convient de relever que la Tunisie et l’UE ont convenu de tenir la réunion du conseil d’association tuniso-européen en avril 2016 dans un contexte marqué par une forte mobilisation de la société civile tunisienne sur les problématiques liées au partenariat avec l’UE dans la perspective d’une prochaine reprise des négociations entamées en octobre 2015 sur l’Aleca. Cet accord – fortement controversé en Tunisie – suscite les réserves et les craintes de nombreux activistes et spécialistes issus des sphères politiques, économiques, diplomatiques et universitaires ainsi que des milieux d’affaires, associatifs et syndicaux.

La société civile pour la refonte du partenariat avec l’UE

A noter que les formes d’expression de ces préoccupations – initialement limitées à quelques articles de presse – prennent de plus en plus la forme d’un courant d’opinion et d’un mouvement organisé impliquant pour la première fois d’importants acteurs de la société civile tunisienne et européenne représentatifs des deux rives de la Méditerranée.

L’objet de cet article est de focaliser l’attention sur ce mouvement d’opinion qui revêt à mon sens une importance capitale en raison de ses répercussions possibles sur la reformulation du cadre stratégique des négociations et des futures relations de la Tunisie avec l’UE.

En effet le gouvernement tunisien devrait tirer profit de cette mobilisation de la société civile pour demander le report des négociations et ouvrir une consultation nationale sur ce sujet dont les enjeux touchent à l’avenir de la Tunisie.

D’ailleurs, il est inconcevable de continuer à gérer ce dossier de nature stratégique comme s’il s’agissait d’un simple accord commercial; c’est pourquoi il conviendrait de le confier à la diplomatie tunisienne avec pour mandat la renégociation du plan d’action et la redéfinition de son contenu dans le but d’aboutir à un vrai partenariat, bilatéral et régional, d’essence politique, sécuritaire, économique et réellement profitable aux deux parties et aux deux rives.

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L’ALECA peut « aider à mieux positionner les produits tunisiens sur le marché européen »

La Tribune – Patricia Augier, Femise – 11 février 2016

la-tribuneÀ la veille de la conférence annuelle 2016 du Femise (*), dédiée au thème « Deux décennies après Barcelone : repenser le partenariat UE-Méditerranée », cet entretien avec Patricia Augier – présidente du Comité scientifique et coordonnatrice du Femise, économiste à l’Institut de la Méditerranée, professeur à Aix-Marseille Université – met en exergue l’intérêt que représente l’Aleca (Accord de libre échange complet et approfondi) pour le devenir des relations de l’Union européenne et des pays sud-méditerranéens, à commencer par la Tunisie.

On entend de plus en plus parler d’un futur « Accord de libre échange complet et approfondi » (Aleca) entre la Tunisie et l’UE ? De quoi s’agit-il concrètement ?

Il s’agit tout simplement d’un choix d’intégration plus profonde de l’économie tunisienne dans l’espace euro-méditerranéen. Il a pour but de compléter et d’approfondir la zone de libre échange pour les produits industriels qui a été mise en place en 1995 avec l’entrée en vigueur de l’Accord d’association. Celui-ci n’a en effet consisté qu’à réduire, de façon unilatérale, les droits de douane tunisiens sur les biens manufacturés en provenance de l’Union Européenne.

L’Aleca, en revanche, est un accord beaucoup plus ambitieux et beaucoup plus complexe. D’une part parce qu’il va concerner les droits de douane de deux secteurs sensibles, à savoir les services et l’agriculture, et qu’il va impliquer aussi des baisses de tarifs appliqués par l’Union européenne sur les produits agricoles en provenance de la Tunisie. D’autre part, parce que l’Aleca va également concerner les obstacles non tarifaires et l’harmonisation du système réglementaire vers l’acquis communautaire.

En quoi est ce que l’ALECA peut contribuer à l’amélioration de la situation économique et sociale de la Tunisie ?

Cet accord peut aider à mieux positionner les produits tunisiens sur le marché européen, en particulier dans l’agriculture. Mais pour anticiper les effets et mieux définir les politiques d’accompagnement à mettre en œuvre, il est nécessaire de conduire des études sérieuses et correctement ciblées selon les leviers utilisés – tarifs et/ou mesures non tarifaires et/ou convergence réglementaire – et les secteurs concernés.

Il est clair, en revanche, que les effets bénéfiques de l’Aleca seront conditionnés par les réformes et les changements qui seront menés à l’intérieur du pays. Ce serait une erreur de penser que l’Aleca puisse être le moteur du développement économique et social de la Tunisie.

De plus, il est indispensable de ne pas négliger les questions sociales. On ne peut pas avoir d’un côté, un système « sophistiqué » de règles qui convergent vers l’acquis communautaire et de l’autre, avoir une partie de la population dont les conditions de vie ne s’améliorent pas. Il sera indispensable de prendre en compte les préoccupations et les attentes du peuple tunisien.

Cet outil est-il adaptable à tous les pays partenaires Méditerranéens ?

L’UE et le Maroc sont engagés dans la négociation d’un Accord de libre échange complet et approfondi depuis mars 2013. L’Union européenne a aussi entamé des processus de préparations avec l’Égypte et la Jordanie.

L’Aleca est typiquement un outil à géométrie variable. Chaque pays peut en faire, théoriquement, ce qu’il veut et l’adapter à sa stratégie de développement. La priorité est plutôt la nécessité pour chaque pays d’avoir une vision stratégique claire et une bonne maitrise sur la façon de mobiliser l’Aleca pour accompagner cette stratégie avec une aide réelle et conséquente de l’UE.

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L’ALECA : quels enjeux sectoriels et thématiques pour l’économie tunisienne ?

workshop-04-04-2016Workshop organisé conjointement par ITC et la Présidence du Gouvernement le 4 avril 2016.

Le programme du workshop




Mohamed Chawki Abid

Comment devrions-nous approcher le projet ALECA ?

chawki-abid-2Mohamed Chawki Abid est, de formation, ingénieur des Mines (Ecole des Mines de Paris). Avec 23 ans d’expériences dans plusieurs groupes bancaires et 9 ans de direction de groupes privés, il a été, un moment en 2012, Conseiller principal du Président Moncef Marzouki, chargé des affaires économiques.
Il est très critique et très réticent contre le projet de l’ALECA. Dans cette tribune libre, il explique pourquoi…

Tout d’abord, il est instructif de rappeler que TTIP ou TAFTA, est l’accord de libre-échange transatlantique qui se négocie actuellement entre l’Europe et les États-Unis depuis 2013.
Les négociations n’en finissent pas et de nombreux européens ne veulent pas en entendre parler.
Selon eux, ces accords commerciaux feraient la part belle aux grands groupes industriels. Certains considèrent même que, si ces accords étaient signés, cela ferait des États Unis un empire à la tête des trois-quarts du commerce et des deux tiers du PNB mondiaux !
Si quelque 500 ONG européennes demandent à interrompre les négociations avec les Etats Unis sur le Tafta, c’est parce que, selon elles, les Américains veulent imposer aux Européens ce que ces derniers veulent imposer aux Maghrébins.
Aussi, ne devrions-nous pas exiger des préalables nécessaires à l’éclosion de négociations fécondes avec Bruxelles, notamment l’établissement du bilan de 20 ans de libre-échange avec l’UE (depuis 1995), ainsi que de l’étude de l’impact de l’ALECA sur l’économie nationale ?

Quid du bilan de l’accord de libre échange de 1995 ?

L’Accord de Libre Echange de 1995 avait prévu une période de 12 ans pour mettre à niveau l’industrie tunisienne, période s’étant avérée trop courte. L’aide financière promise et les IDE prévus n’étaient pas au rendez-vous. De ce fait, notre industrie manufacturière n’est pas parvenue à soutenir la concurrence européenne en qualité et en coût. L’importation est devenue un réflexe courant des affairistes et des rentiers, voulant se débarrasser des problèmes techniques, logistiques, financiers et sociaux.
L’analyse rétrospective de la structure sectorielle du PIB révèle que le secteur des  »industries manufacturières » a été malmené pour ramener sa contribution dans la formation du PIB de 22% en 1993 à 15% en 2014. Les 7 points perdus de l’industrie manufacturière ont profité aux activités de services, dont principalement : la grande distribution (super et hypermarchés), l’activité de concessionnaire auto, la téléphonie cellulaire, et les services non marchands (salaires de la fonction publique). En  dehors des services non marchands, ce sont des activités gros-importatrices, non exportatrices, et peu créatrices d’emplois relativement à la Valeur Ajoutée générée.
Au-delà des industries manufacturières et des services annexes, le même sort a été réservé à l’agriculture et au tourisme, ainsi qu’aux industries minières (y compris les carrières et les saumures), qui ont sérieusement reculé dans la formation du PIB national.
Evidemment, les implications ont été désastreuses sur la balance commerciale (baisse des exportations industrielles et accroissement des importations de produits à la consommation), ainsi que sur le chômage particulièrement chez les jeunes diplômés (affaiblissement de l’employabilité et précarité de l’emploi).
Naturellement, il s’en est suivi un recours démesuré à l’endettement extérieur pour nourrir les réserves en devises, en vue de couvrir partiellement le déficit de la balance courante (tiré par le déficit commercial). En outre, l’administration Tunisienne a appliqué naïvement l’accord de 1995 sans même oser enclencher les clauses de sauvegarde contractuelles.
Aussi, ne devrions-nous pas nous atteler à défendre nos intérêts préalablement à l’examen du projet ALECA, et à conclure un  »Accord rectificatif » pour remédier à cette situation asymétrique et inéquitable?

Objectifs de l’ALECA

Le but de l’ALECA porte sur l’approfondissement des relations commerciales entre le Tunisie et l’Union Européenne, dans toutes les activités de services et dans le domaine de l’agriculture. Ce faisant, l’ALECA vise à réduire les obstacles non tarifaires, faciliter les procédures douanières, libéraliser le commerce des services, assurer la protection de l’investissement et harmoniser les réglementations dans plusieurs domaines de l’environnement commercial et économique.
En outre, l’ALECA couvre plusieurs domaines dont les marchés publics, les mouvements de capitaux et de paiements, les normes techniques pour les produits industriels, les procédures douanières, les mesures sanitaires et phytosanitaires, les droits de la propriété intellectuelle, la concurrence, le commerce d’énergie, les aspects commerciaux de développement durable, etc.
Un tel projet, s’il venait à être adopté dans l’état par les autorités tunisiennes, donnerait le feu vert à la libre concurrence entre notre modeste dispositif des services et l’artillerie lourde des multinationales, sans parler du domaine agricole dont les écarts de compétitivité sont colossaux entre nos unités de dimensions familiales et les géants européens de l’agroalimentaire.

Que faire ?

A la veille du démarrage des négociations sur l’ALECA (Accord de Libre-Echange Complet et Approfondi), il y a lieu d’élaborer un diagnostic sur les 20 ans de libre-échange avec l’UE afin de :

  • évaluer les écarts des réalisations par rapport aux prévisions en termes de : subventions européennes, IDE, création d’emplois, développement des exportations, balance commerciale, balance des payements, endettement extérieur, etc.
  • apprécier les conséquences macro économique de cet accord, notamment sur le secteur des industries manufacturières (les PMI en particulier) et des services annexes
  • identifier les risques et les menaces à atténuer d’un commun accord (dérapages des déséquilibres).

Sans l’élaboration de ce diagnostic critique, et sans la confection d’un avenant correctif à l’ancien accord, il serait hasardeux d’engager des négociations sur le projet d’ALECA.
Il semble qu’il y ait eu production de documents – de part et d’autre – donnant des lectures différentes du bilan de l’accord Tunisie – UE de 1995. Il faudrait en organiser une évaluation collective, objective et sérieuse. A défaut, chaque partie continuera à voir uniquement ce qui l’arrange.
Du côté tunisien, l’analyse des écarts et l’étude du niveau de réalisation des objectifs n’ont malheureusement pas été publiées pour permettre aux experts indépendants et à la société civile de mesurer les retombées socio-économiques et de formuler des recommandations constructives.
Nous espérons que leurs résultats et conclusions soient bien exploités pour négocier d’abord des ajustements aux dysfonctionnements et des réparations aux carences.
Au terme de ces travaux préalables, l’entrée dans le carré des « négociations de l’ALECA » sera plus aisée.




Radhi Meddeb

Radhi Meddeb, PDG du Groupe Comete Engineering

Faisons de l’ALECA un passeport pour la modernité !

  • Donnons un contenu effectif au statut de partenaire privilégié
  • Exigeons la levée de toutes les barrières non tarifaires
  • La Tunisie a besoin, sur les 10 prochaines années, de créer 1.5 million d’emplois
  • C’est la seule voie pour immuniser et prémunir nos jeunes contre l’extrémisme et le désespoir.

radhi-meddeb-2Pour une voix d’expert autorisée sur nos rapports avec l’Union européenne, c’en est une !  Il faut simplement rappeler que c’est lui qui avait dirigé l’étude prospective sur l’impact de l’Accord de Libre Échange de 1995.
Radhi MEDDEB, que l’on ne présente plus, est diplômé de l’École Polytechnique de Paris et de l’École Nationale Supérieure des Mines de Paris. Il est, depuis 1987, fondateur et PDG du groupe d’études COMETE Engineering. Il est également fondateur, après la révolution de janvier 2011, de ADS (Action et Développement Solidaire), une ONG qui a publié en octobre 2011, un ouvrage qui traduit la vocation inclusive du Think Tank : « Ensemble, Construisons la Tunisie de demain, Modernité, Solidarité et Performance ».
Pour lui, l’ALECA représente une « immense potentiel non exploité. Et il nous appartient, à nous Tunisiens, de conquérir ces marchés européens dont nous ne prenons que des bribes, d’en connaître les circuits et d’en identifier les hommes et les femmes qui font l’économie ».
Dans cette tribune d’expert, il invite la Tunisie à la modernité !

La Tunisie entame enfin avec l’Union Européenne les négociations de l’ALECA. Cela devrait donner un contenu effectif au statut de partenaire privilégié, annoncé depuis novembre 2012. Pendant longtemps, avant la Révolution, la Tunisie avait réclamé ce statut et avait même pris ombrage qu’il ait été accordé à d’autres pays de la région avant elle. Or, depuis trois ans et demi, peu de progrès ont été accomplis en la matière. Le dossier soulève une polémique et diverses parties réclament une évaluation des accords de 1995 avant d’avancer.
La Tunisie est engagée depuis longtemps dans un processus d’insertion dans des espaces économiques plus larges. L’Europe est le plus proche de ces espaces. Elle constitue pour nous une ouverture naturelle inéluctable.
L’Europe, malgré l’état atone de son économie, reste le premier marché à l’échelle mondiale, en termes de taille et de pouvoir d’achat. Pourtant, depuis 1995, nous sommes restés dans une démarche traditionnelle et passive. Nous continuons à exporter les mêmes produits vers les mêmes pays en nombre limité. Les rares diversifications ont été le fait de nos partenaires européens. Nous n’avons pas exploité l’immense potentiel de ce marché à notre portée.

radhi-meddeb-3L’ALECA, un immense potentiel à exploiter

L’exigence d’une évaluation rétrospective des accords de 1995 est légitime. En faire un préalable pour avancer serait une erreur préjudiciable à l’économie aujourd’hui.

Prenons ce qui nous est proposé, mais avançons avec discernement. Associons toutes les parties prenantes à ces négociations et évaluations. Mettons de notre côté tous les atouts pour une négociation éclairée.
L’Union Européenne nous invite à décliner nos propositions et à donner du contenu à l’ALECA. Prenons-la au mot et exigeons la levée de toutes les barrières non tarifaires, y compris la libre circulation des professionnels et des étudiants, mais aussi les certifications qui ne sont là que pour faire barrage aux produits et services non communautaires, une véritable mise à niveau de notre agriculture en termes de vulgarisation, de formation et d’acclimatation aux normes européennes. Exigeons un accès total aux fonds structurels pour l’aménagement du territoire, la recherche scientifique et l’innovation et enfin l’accès de nos étudiants au programme d’échange Erasmus. Faisons de l’ALECA, notre passeport vers la modernité et notre allié pour bousculer les multiples rentes de situation qui gangrènent notre économie.

Et, surtout, soyons solidaires, lucides et courageux. Les évolutions géopolitiques font planer, sur l’ensemble de la région, une menace globale de violence et d’obscurantisme. Le libre échange n’est plus ni suffisant ni adapté. Il faut passer à une démarche globale et structurante, mettre en place au profit de la Tunisie, seul espoir régional, un plan Marshall dont on a tant parlé et pour lequel on n’a rien fait.

La Tunisie a besoin, sur les 10 prochaines années, de créer 1.5 million d’emplois et de mettre ses infrastructures au niveau européen.
C’est la seule voie pour immuniser la Tunisie contre l’extrémisme et la violence et prémunir ses jeunes contre le désespoir.
Seule, la Tunisie n’y arrivera pas. Avec l’Europe, cela est possible, à condition que la volonté politique soit là. Scellons, avec courage, notre destin.